J’entrai dans le café où j’avais mes habitudes. Je saluai le patron
qui me dit : « Tiens ! Tu tombes bien ! Aujourd’hui nous avons des
clients de marque ».
Des yeux, je parcourus la salle pour me raidir soudain. Elle était là,
dans le fond, assise à converser avec des gens que je ne vis pas. Elle
dut se sentir observée et tourna son visage vers moi. Contre toute
attente, elle me sourit.
Comme je continuais à la regarder fixement, d’un air probablement
hébété, elle me fit signe de la rejoindre. J’avançais, d’une démarche
hésitante. Elle se leva pour venir à ma rencontre. Elle était vêtue
simplement d’un manteau marron ouvert sur une robe noire. Elle était
belle !
Lorsque je fus en face d’elle, elle me tendit une main que je saisis
pour la serrer avec ferveur. Elle souriait. Il fallait que je dise
quelque chose. Alors, j’ai balbutié : « Mylène, tu…, Mylène,…, vous… ».
Son sourire s’accentua et elle parla : « Oui, je sais, on me l’a déjà
dit.».
Je serrais toujours sa main dans la mienne, peut-être un peu fort. «
Mylène….., Mylène, tu……… ». Je la regardais avec intensité, j’étais
incapable d’en dire plus. Elle parla encore: « Oui, je sais, tu me l’as
déjà dit ».
Alors, elle s’approcha de moi pour poser ses lèvres sur ma joue. Elle
sourit encore. J’ouvris la bouche mais aucun son n’en sortit. Alors,
elle retira sa main que je laissais glisser dans la mienne, elle se
détourna pour repartir vers la table d’une démarche aérienne.
Je pensais : « C’est trop bête, elle est là, tu as tant à lui dire ! ».
Je fis un pas en avant. Dans un éclair de lucidité, je retins cet élan.
Je pris conscience que j’allais l’ennuyer, la désobliger. Et puis, …je
lui avais tout dit. Ce que j'avais à lui dire, elle l'avait lu dans mes
yeux.
Lorsque je m’éveillais, le matin, le café était fermé, l’Ange s’était envolé.
Plus tard, lorsque l’on me demanda si j’avais bien dormi, je répondis :
«Dormi, mais non, j’ai rencontré…. Euh ! Oh, oui ! J’ai bien dormi ! ».
Tout à l’heure, je me suis arrêté devant un miroir pour contempler le
plus bel autographe du monde. Il est là, sur ma joue, pour toujours,
invisible. Oh, oui ! J’ai bien dormi…..